Le roman s’ouvre sur une femme écrivain en panne d’inspiration. Du déjà-vu, me direz-vous ? Sauf que celle-ci traîne sur Internet cherchant à acheter une bestiole empaillée, pendant que son appartement prend l’eau et que son voisin fou entend des voix et lui hurle dessus, l’accusant de faire trop de bruit la nuit.
Bref, c’est pas la grande forme. Alors pour chasser l’ennui, elle se met à faire des recherches sur les membres d’Action Directe, leur histoire, leurs procès, ce qu’il sont devenus. Elle se met à tout lire, regarde en boucle « Faites entrer l’accusé », se ruine en achetant de vieux Paris Match. A partir de là, le roman se met à tisser une toile étrange où se mêlent plusieurs vies : celle de la bande d’A.D., celle du père de la narratrice, l’aigle noir, mais aussi un peu de la nôtre, de ceux qui se souviennent des noms de Ménigon, Rouillan et de Georges Besse. Des vies clandestines qui rodent autour de nous, qui nous entraînent dans leur nuit, sans que nous sachions bien ce que nous devons y faire.
J’ai beaucoup aimé ce roman. L’écriture est fine et la narration proche d’une dramaturgie qui met en scène l’histoire de l’autrice et du secret qu’elle porte, mêlée aux mystères de la vie des membres d’Action Directe. La rencontre de l’autrice avec Nathalie Ménigon est une des plus belles pages écrites sur la puissance du silence, sur ce qui ne peut être dit, jamais. Restent la douceur des plumes d’un caneton, un chuchotement au coin du feu, épaule contre épaule.
Monica Sabolo m’a prise par la main pour me mener dans sa nuit, mais aussi dans la mienne, la nôtre, là où « l’effondrement a déjà eu lieu » mais où la chaleur d’un feu et la douceur d’une épaule suffisent à nous faire renaître.
Monica SABOLO La Vie Clandestine, Gallimard, 2022, 320 pages
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